Après bien des réfléxions et des difficultées, je vous livre mon Manifeste du naturisme chrétien. Ceci est la nouvelle version, entièrement refondue en mars 2010. Vous pouvez le télécharger en pdf.
Si l’on devait me demander le point de convergence entre ma foi chrétienne et le naturisme, je répondrais sans hésiter : l’Homme. C’est d’ailleurs le caractère humaniste du naturisme qui m’a convaincu de faire partie de ce mouvement. Et c’est parce qu’elle donne une place de premier ordre aux hommes que la religion chrétienne (sans prétendre qu’elle est la seule dans ce cas), ma parait si différente et si vraie.
La religion de l'Homme
Et de l’amour de Dieu pour les Hommes. N’est-ce pas parce que Dieu aimait trop les hommes que son Lucifer, dans ce qui constitue une sorte de mythologie chrétienne, s’est mis en colère et s’est retourné contre Dieu ? N’est-ce pas parce qu’il a « tant aimé les hommes qu’il leur a livré son fils unique » ? On m’a fait remarquer, dernièrement, que, dans l’évangile de St Matthieu, de tous les titres « divins » possible, Jésus préfère celui de « fils de l’Homme ». La bible raconte d'ailleurs une histoire entre Dieu et les hommes.
Mais comment parler de foi chrétienne et de naturisme sans dire un mot sur la Genèse. Ce récit, qui ne se veut pas historique (au passage, on rappelle que la bible contient deux récits distincts de la Genèse), n’est pas seulement intéressant par la tenue des protagonistes. C’est un récit qui parle de la nature de tout homme et de toute femme. La Genèse, c’est l’histoire de la création, de la volonté de Dieu de nous faire vivre, de nous donner de quoi vivre, mais aussi de nous donner la liberté de lui faire entièrement confiance ou pas. De notre manque de confiance en Dieu et en sa création, provient notre honte et notre pudeur : si Adam et Eve se cachent, ce n’est pas parce qu’ils découvrent que la nudité est malsaine (sinon, Dieu ne les aurait pas créés nus), mais sans doute parce qu’elle symbolise une confiance totale, une alliance, malheureusement rompue, que Dieu ne cessera de reproposer aux Hommes.
L’Homme, à l’image de Dieu
L’Homme n’est pas qu’un élément de la création, mais bien son centre : « Homme et femme, à son image, Dieu les créa ». L'Homme appartient ainsi à la fois au monde matériel et au monde transcendantal. Nous somme à la fois pleinement âme et pleinement corps. C’est ce qui nous différencie du reste de la création.
L’Homme qui rejette son corps
Il a souvent été tenté de séparer les deux. Les civilisations grecques (voir le platonisme), et par conséquent latines, ont été beaucoup influencées par des mouvements somatophobes (littéralement peur du corps), créant un rejet quasi-névrotique du corps. La recherche de l'absolu ne pouvait passer que par le rejet de nos corps, si imparfaits, si faillibles.
Ce sont ces mouvements qui ont contaminés l’Eglise catholique naissante, et non l’inverse. Notre « pudibonderie » est en fait bien moins judéo-chrétienne que gréco-latine !
Plus tard, les cathares (pour ne citer qu’eux, mais il y a plein d’exemples différents), fondèrent leur doctrine sur le principe que l'âme était de nature divine, et leur corps (ainsi que le monde matériel) de nature diabolique. Cela leur permettaient d'ailleurs de faire n'importe quoi en mettant tout sur le compte du pauvre corps, qui, de toute façon, était quelque chose d'horrible, un fardeau a porter qui conduisait inéluctablement au péché !
Notre histoire récente fut marquée par la recherche de notre libération. On aurait pu croire qu’après un siècle qui a connu l’émancipation de la femme ; les débuts du naturisme et mai 68, nous serions aujourd’hui totalement à l’aise avec notre corps. Or, il se trouve que c’est l’inverse. Notre civilisation, de plus en plus matérialiste et superficielle, nous donne en exemple des corps parfaits, idéaux, qu’il nous faut absolument avoir, quitte à dépenser tout son argent dans des pilules ou des crèmes « miracles » ou même à en devenir anorexique. C’est ainsi que de plus en plus de gens sont complexés et n’osent plus dévoiler qu’une toute petite partie de leur corps. Ainsi, il est couramment admis qu’il existe des poitrines compatibles avec le topless, et d’autres non. Au final, le rejet du corps se perpétue d’une façon ou d’une autre.
La réponse chrétienne
C’est la que la réponse chrétienne diffère des autres : les deux aspects de l'Homme sont indissociables. On peut certes considérer l'une ou l'autre de ces parties, mais jamais les séparer.
Quand Dieu vient sur Terre pour sauver l'Humanité, il « prend chair et se fait Homme » (Credo). Il n’est pas possible d’être Homme sans posséder de corps. Mais être « vrai Homme » ne l’empêche pas d’être en même temps « vrai Dieu ». Par là même, il montre bien le lien profond qui uni corps et esprit, et prouve que notre corps n’est en rien malsain ou diabolique. Au contraire, Saint Paul nous dit dans une de ses lettres qu’il est « le temple de Dieu ». Et si le credo dit clairement « je crois en la résurrection de la chair », ce n’est pas dire que l’on se retrouvera dans l’au-delà avec ses cellules, à continuer nos taches quotidiennes, mais bien de dire que c’est l'Homme en entier, considérable sous une forme distincte et unique, qui est sanctifiée et ressuscite.
Pour les chrétiens, le corps fait partie de chaque homme ou femme, tout autant que son âme. Ainsi la religion chrétienne devrait, en toute logique, nous le faire aimer.
Comme son nom l’indique, la « nature » prend une place centrale dans le naturisme. La définition officielle du mouvement parle de « vivre en harmonie avec la nature ». Le naturisme est ainsi vu comme une manière de vivre naturellement. Mais qu’est-ce que vivre « naturellement » ?
Définir la nature
Le mot nature fait partie de ces mots français qui possèdent de nombreuses significations qui peuvent paraitre proches jusqu’à un certain point. Dans un dictionnaire de base, on trouve jusqu'à 8 définitions plus ou moins proches. Ceci dit, deux sens principaux se distinguent : « ce qui n’est pas modifié par l’Homme » et « Ensemble des caractères fondamentaux innés qui définissent chaque chose/être ». Chacune des ces définition nous ouvre un horizon.
La nature comme ensemble des éléments non modifiés par l’homme
En ces temps de crise environnemental, on s’inquiète de plus en plus de l’impact de l’homme sur notre environnement. Et de plus en plus, on voit jaillir une vision manichéenne du monde avec d’un coté, le monde « naturel », plein de forets, d’animaux sauvages, et de l’autre, le monde « souillé par l’homme », plein de buildings en béton, pollué, et dans lequel les espèces disparaissent peu à peu. En sorte ainsi les théories de décroissance, voir de réduction de l’espèce humaine. L’un des exemples frappant en est le film Avatar, de J Cameron : on y voir littéralement une guerre entre les Hommes et la nature.
Le naturisme, comme le christianisme apporte une autre vision des choses. En portant l’homme au cœur de la nature – puisque c’est en se déshabillant, acte conscient, volontaire, et individuel, qu’il s’approche de la nature – le naturisme rappel à l’Homme qu’il fait partie intégrante de celle-ci. Le respect de notre environnement est donc similaire au respect que l’on doit avoir pour soi-même, et non au respect que l’on doit à l’autre.
Mais si l’aspect dualiste « sans les hommes/avec les hommes » disparait, comment définir alors « le retour à la nature » ? Simplement en prenant en compte le comportement de l’Homme : s’il respecte la nature et vit harmonieusement avec elle pour le bien commun, ou s’il s’en fiche et détruit tout, y compris les chances de ses descendance de pouvoir vire correctement. C’est ainsi que nous passons du nom a l’adverbe et que nous pouvons définir ce que c’est que « vivre naturellement ».
Cet aspect de vie naturelle trouve un écho dans le livre de la genèse. Dans le premier texte de la genèse, Dieu crée le jardin d’Eden, avec ce qu’il faut à l’Homme pour vivre agréablement. En simplifiant un peu, on peut donc voir le jardin d’Eden, comme le milieu naturel de l’Homme. Il place dans ce jardin les meilleurs fruits, des fleuves pour arroser le tout, puis, plus tard, du bétail pour aider l’homme. Mais surtout, Dieu prend l’Homme et « le plaça dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder » (Genèse, 2 v15). Loin de l’image traditionnelle d’un homme qui a le droit de dominer le reste de la nature, on voit ici que Dieu reconnait le besoin qu’a l’homme de cette nature, et qu’il la lui confie. C’est une mission donnée à l’Homme que de veiller à ce que le cadeau que Dieu lui a fait soit bien géré.
La nature comme ensemble des caractères fondamentaux innés qui définissent chaque chose/être
La question qui se pose en définissant ainsi la nature est la suivante : Quelle est la vraie nature de l’Homme ? Il est difficile de répondre à cette question sans se poser une autre question : Qu’est-ce qu’une personne naturelle ? Et avec la question contraire : qu’est-ce qu’être artificiel ?
Pour un croyant, la vraie nature de l’Homme, c’est d’être enfant de Dieu, créé par Dieu, à son image. La recherche de naturel, et surtout le rejet de tout ce qui est artificiel, initiés dans le naturisme conduisent ainsi le chrétien à se définir, avant tout, comme enfant de Dieu. Et par voie de conséquence à avoir confiance en Dieu et en tout ce en quoi il attache de l’importance, à commencer par notre humanité. Le fait que l’on est Homme, que l’on a reçu la vie, et qu’il en est de même pour les autres, est donc la seule chose qui doit nous être important.
Le fait d’aimer son corps, de respecter l’environnement et de se considérer avant tout comme enfant de Dieu ne suffit pas à faire du chrétien un naturiste. Être naturiste, c’est une démarche forte et pleine de sens
Le naturisme, une démarche forte
En regardant récemment un reportage sur les Korowaï, un peuple extrêmement isolé qui n’a été découvert que très récemment, j’ai réalisé que même les peuples « protégé » de l’expansion de la culture pudibonde ne vivent pas complètement nus. Il me semble donc que le fait de s’habiller est une des caractéristiques qui différentie l’être humain des autres espèces. Le vêtement, qui cache au moins les organes génitaux (ex : étui pénien), est en fait le signe que les Hommes veulent transcender leur corps, s’en détacher.
Il est d’autant plus difficile de vivre nu qu’il existe une pression sociale qui nous en empêche. L’Homme, animal grégaire, a une tendance naturelle à créer des règles sociale et à vouloir s’y tenir. Il lui est très difficile d’y échapper, et vivre habillé fait sans aucun doute possible partie des règles les plus fondamentales de nos sociétés. Vouloir y échapper, c’est contourner cet instinct d’obéissance sociale, mais c’est aussi, et c’est lié, risquer d’être mal considéré par les autres. Ce risque peut être limité en gardant secrète la pratique du naturisme.
Enfin, dans une civilisation qui confond nudité et sexualité, et qui voit des pédophiles partout, il est encore plus difficile d’accepter qu’il peut être normal que des enfants et des adultes puissent vivre nus.
Il en résulte que vivre nu n’est pas forcément si évident, si naturel. C’est ce qui en fait une démarche volontaire, consciente et donc chargée de sens.
L’importance des vêtements
Si aimer son corps est une raison nécessaire pour désirer vivre nu, elle n’en est pas pour autant suffisante. Etre nu, c’est aussi, et surtout, retirer tout vêtement. Ces derniers sont la représentation externe de sa richesse, de sa classe sociale, ou de son groupe. Ainsi, ils symbolisent la volonté de se classer par rapport aux autres, et montrent donc de manière inconsciente notre attachement trop important pour les « valeurs » sociales.
Si nous voulons nous montrer avant tout comme enfant de Dieu et non comme élément d’une société, il nous faut donc les retirer. Cela a un double effet :
- En retirant ces vêtements, nous ne nous montrons plus comme élément d’une société
- En montrant nos corps, nous nous montrons tel que nous sommes, enfant de Dieu, fier de nous-mêmes
La démarche de nudité
Quand on parle de nudité au sens général, on pense bien évidemment au fait de ne pas porter de vêtements, mais aussi à se montrer tel que l'on est. Ne dit on pas d'une personne qui se livre intimement quelle se met à nu ? Ces deux sens de la nudité ne font qu'un si l’on considère l'Homme comme étant à la fois corps et esprit. Il s’agit là de faire tomber le masque social pour se retrouver tel que l'on est originellement. En retirant mes vêtements, je ne fais pas que montrer mon corps. J'entre dans une démarche de nudité, de volonté de me montrer tel que je suis, comme enfant de Dieu, et non plus comme un « pion social ».
Pour moi, il n'existe donc qu'une seule démarche de nudité, qui peut prendre plusieurs aspects. Le principe du naturisme est de conjuguer intimement l'aspect matériel et spirituel de la nudité, pour lui donner un sens profond.